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Pourquoi « D’argent et de sang » est la meilleure série française jamais vue

CEO Hạnh David
Au cinéma, les histoires d’arnaques vendent du rêve, surtout quand il s’agit de malins charismatiques qui piquent dans les caisses de l’État. C’est autre chose que s’ils s’en prenaient à des personnes âgées ou à...

Au cinéma, les histoires d’arnaques vendent du rêve, surtout quand il s’agit de malins charismatiques qui piquent dans les caisses de l’État. C’est autre chose que s’ils s’en prenaient à des personnes âgées ou à de pauvres gens… Sauf que non, justement. C’est la même chose et c’est ce que démontre brillamment « D’argent et de sang ». Les dommages collatéraux sont colossaux et le trio infernal, aussi fascinant soit-il, n’en est pas moins toxique et même mortel puisque comme il est annoncé dès le début, cette histoire se terminera dans un bain de sang.

2. C’est un film qui dure douze heures

« J’avais un a priori sur les séries, persuadé que je serai obligé rentrer dans des cases, avoue le réalisateur Xavier Giannoli. Et il s’est passé exactement le contraire. » Et pour cause. Le projet est hors-norme, basé sur un scénario (coécrit par Giannoli et Jean-Baptiste Delafon) tentaculaire et si ambitieux que, de huit épisodes prévus, la série est passée à douze. Ils ont été tournés à Paris, sur la Côte d’Azur, mais aussi à Chypre ou en Israël… Une super production au budget de 21 millions d’euros, géré par l’audacieux Olivier Delbosc, déjà producteur du meilleur long-métrage de Giannoli, « Illusions perdues ».

De fait, « D’argent et de sang » ne dépareille pas d’un film, bénéficiant du talent du cinéaste et de son équipe technique. De la lumière au montage, tout relève d’un travail d’orfèvre.

3. Vincent Lindon ne joue pas le magistrat chargé de l’enquête. Il EST le magistrat.

On sait l’acteur excellent. Là, il est exceptionnel. On le sent investi corps et âme dans un personnage qu’on soupçonne de figurer tout en haut du panthéon personnel du comédien. D’une rectitude et d’une intégrité inébranlables, le directeur du Service national de douane judiciaire (SNDJ) qu’incarne Vincent Lindon répond dans sa détermination et son intransigeance aux principes que défend l’acteur - réservant d’ailleurs sa parole pour une matinale radio ou un JT de 20 heures plutôt que pour un talk-show.

4. Ramzy Bedia et Niels Schneider sont des escrocs épatants

Ce n’est pas la première fois que Ramzy Bedia sort de sa zone de confort comique, mais sous la direction de Xavier Giannoli, il est transfiguré, à la fois truculent, fourbe, malsain, drôle, effrayant, antipathique… Il joue toutes les gammes sans une fausse note.

Niels Schneider lui, rend le plus bel hommage qui soit à Gaspard Ulliel, mort après un mois et demi de tournage, en remplaçant magistralement le disparu. À travers ce personnage de Tony Montana de la finance, il montre un visage et une personnalité qu’on ne lui connaissait pas. Il est bluffant - autant que le dingo qu’il interprète l’est autour d’une table de poker…

5. Le reste du casting est chic et choc

Toute l Outre les trois principaux acteurs, les autres comédiens ne sont pas des demi-sels. Judith Chemla, Yvan Attal, Olga Kurylenko, André Marcon, David Ayala, Lyes Kaouh… D’accord, vous ne les connaissez peut-être pas tous, mais ils sont une telle présence qu’après la série, vous vous en souviendrez.

6. Le générique est aussi réussi que celui de la série « Succession »

Métro, bourse, casino, boîte de nuit, glamour, billets de banque, banquise qui s’effondre, cyclone qui balaye des immeubles… Le montage d’images annonce clairement la couleur, habillé par un morceau absolument génial qui va (re) devenir un tube : « N.E.M. ».

Le titre date de 2016 et il est signé par le groupe pop Las Aves. Les paroles du refrain sont édifiantes : « I go my N.E.M./Yeah thats my nickname/When I glow in the dark/When everything goes insane… ».

Pour info, l’acronyme/surnom (« nickname » dans le texte) désigne Naturally Evil Mind, soit en version française : « esprit naturellement mauvais ». À bon entendeur…

7. Au-delà d’une enquête policière, une quête spirituelle

Au-delà de la dénonciation de l’une des pluss grandes escroqueries de l’Histoire de France, « D’argent et de sang » dresse en filigrane un constat impitoyable sur le capitalisme à outrance, la financiarisation du monde, le dérèglement climatique et les rapports de classe. Le tout contenu dans un package romanesque où pointent les thématiques chères à Xavier Giannoli : la manipulation, le travestissement, le mensonge.

D’aucuns auraient pu se contenter de ce programme déjà bien riche, l’auteur est allé encore plus loin en collant à son héros une quête spirituelle à travers ses échanges avec un rabbin. Celui-ci fait découvrir au magistrat le Tikkoun Olam, notion issue de la pensée juive : Dieu n’ayant pas achevé la création du monde, la mission des femmes et des hommes est de le réparer. Réparer le monde…

Au vu de l’actualité tragique au Moyen-Orient, la série prend, d’un coup, une autre résonnance. « Ce principe de réparer le monde, ce point de mire dans cette machine à broyer l’humain fait de « D’argent et de sang » une grande série », a dit Judith Chemla lors de l’avant-première dans un cinéma des Champs-Élysées. Dans un cinéma, oui. Comme pour un grand film…

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