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Comprendre le saké en sept questions

CEO Hạnh David
Bouteilles de saké dans un bar à Tokyo. IMAGE SOURCE / PHOTONONSTOP Le saké est un alcool qui fait partie intégrante de la culture millénaire du Japon. Bien qu'il soit indissociable du pays du soleil...

Bouteilles de saké dans un bar à Tokyo. Bouteilles de saké dans un bar à Tokyo. IMAGE SOURCE / PHOTONONSTOP

Le saké est un alcool qui fait partie intégrante de la culture millénaire du Japon. Bien qu'il soit indissociable du pays du soleil levant, le saké compte de plus en plus d'amateurs en dehors de ses frontières, notamment en France. Obtenu par fermentation, il est principalement composé de riz, d'eau, de levures et de ferments. Son goût velouté, aux notes florales séduisantes et non sucrées, peut être trompeur et faire oublier son pouvoir enivrant. Cet alcool japonais cristallin soulève donc de nombreuses questions auxquelles nous allons tenter de répondre.

Pourquoi dit-on que le saké est un vin de riz ?

La confusion persistait pendant de nombreuses années : non, le saké n'est pas cette boisson distillée à base de sorgho que l'on sert à la fin des repas dans certaines cantines chinoises bon marché. C'est pour remédier à ce malentendu que l'expression "vin de riz" s'est imposée auprès des spécialistes du saké en France - sommeliers, distributeurs, cavistes, etc. De quoi s'agit-il alors ? D'une boisson ancestrale japonaise d'une clarté limpide, obtenue après une fermentation lente. Au Japon, on l'appelle nihonshu, "saké" étant un terme générique pour désigner un verre d'alcool.

À bien des égards, il se rapproche du vin : un degré d'alcool modéré (en moyenne entre 14% et 17%), une grande variété d'accords possibles et une forte dimension historico-culturelle. Cependant, la comparaison s'arrête là, car le saké japonais diffère de son cousin en termes d'arômes, de structure, de texture... et de prix également : il est difficile de trouver en France une bonne bouteille de saké japonais en dessous de 30 euros, car l'importation a un coût.

Comment est-il fabriqué ?

Bien que seuls trois ingrédients soient nécessaires - du riz, de l'eau et du kôji (un ferment) -, la préparation est assez complexe. Tout comme les cépages dans le vin, il existe au Japon une multitude de variétés de riz à saké, qui sont plus longs et plus charnus que le riz de table. Les grains de riz sont plus ou moins polis, c'est-à-dire que leur péricarpe est retiré. Après avoir été lavé, le riz est trempé, égoutté, puis cuit à la vapeur à plus de 100 degrés et refroidi immédiatement. Une partie du riz cuit est ensemencée avec du kôji (des spores de champignons permettant la transformation de l'amidon en sucre) pendant trois jours dans une pièce spéciale appelée kôji-muro. L'autre partie est mise de côté pour alimenter les cuves ultérieurement.

Un pied de cuve (shubo) est réalisé à partir du riz ensemencé (kôji-mai), du riz cuit (kakemai), d'une eau de source la plus pure possible (les Japonais distinguent les eaux douces et dures en fonction de leur concentration en minéraux) et de levures. Sa maturation nécessite une dizaine de jours, voire plus si aucune levure ni aucun ferment lactique n'est ajouté. Ensuite, il est transvasé dans des cuves avec l'ajout progressif de matières supplémentaires (eau, riz, kôji) et brassé pour homogénéiser la fermentation, qui dure de trois à huit semaines. Enfin, vient l'étape du pressurage, de la filtration, de la pasteurisation (ou non) et parfois, d'un vieillissement en cuve pendant quelques mois avant la mise en bouteille.

Comment s'y retrouver parmi toutes les catégories ?

La lecture de l'étiquette peut être déroutante, surtout si les informations ne sont pas traduites sur une contre-étiquette, ce qui est souvent le cas. Généralement, on y trouve la marque, le nom de la brasserie et sa région, la variété de riz utilisée, ainsi que le style : nigori (trouble), kôshu (vieilli), muroka (non filtré), nama (non pasteurisé), genshu (non dilué), yamahai et kimoto (levures naturelles uniquement). Cependant, les deux éléments essentiels qui influencent fortement le goût sont le taux de polissage résiduel du riz (seimaibuai), exprimé en pourcentage de matière restante, et l'ajout ou non d'alcool.

On retrouve ainsi le honjôzô (à partir de 70% de riz restant), le ginjô (à partir de 60%) et le daiginjô (à partir de 50%). Ces trois catégories permettent l'ajout d'alcool distillé avant la filtration. Lorsqu'il n'y a pas d'ajout d'alcool, on parle de junmai. Ce terme est également utilisé en préfixe pour distinguer les junmai ginjô (saké sans ajout d'alcool avec un taux de polissage à partir de 60%) et les junmai daiginjô (à partir de 50%).

Le junmai daiginjô est considéré comme le nec plus ultra des sakés tels qu'ils sont conçus depuis les années 1990. L'idée étant que plus le riz est poli, meilleur est le saké. Cependant, cette approche ne fait plus l'unanimité, car un polissage léger peut donner d'excellents breuvages. Adrienne Saulnier-Blache et Barnabé Nuytten, importateurs de la société Madame Saké, constatent que "certaines maisons commencent à se détacher de ces appellations afin de faire exister leur identité de manière autonome plutôt que par le biais d'une classification issue de concours et de bureaux de taxes". C'est notamment le cas de la maison Takeno, qui ne mentionne pas le taux de polissage sur ses bouteilles.

En fin de compte, les débats d'experts sont aussi animés que dans le monde du vin, il vaut donc mieux goûter pour se faire une idée.

Faut-il le boire chaud, froid ou à température ambiante ?

L'une des grandes particularités du saké est qu'il peut être consommé à des températures très différentes, selon Adrienne Saulnier-Blache. L'intérêt est d'élargir la palette aromatique à partir d'une même bouteille. "De manière assez empirique, on peut dire que le saké chaud est destiné à accompagner les plats d'hiver, tandis que le saké froid est réservé à ceux de l'été", précise la spécialiste. Lorsqu'il n'est pas consommé frais (entre 5°C et 10°C), comme un vin blanc, le saké peut être apprécié à température ambiante (20°C), comme un vin rouge, ou chaud (de 30°C à 55°C). Pour le chauffer, il ne faut pas utiliser de micro-ondes : cela se fait dans une casserole au bain-marie, en veillant à transvaser le nectar dans une petite carafe en porcelaine (tokkuri).

Cependant, tous les sakés ne se réchauffent pas. Ce traitement est surtout possible pour les "sakés traditionnels", les junmai et les honjôzô, qui présentent des arômes céréaliers, lactiques ou fermentaires. Il convient de les distinguer des "sakés modernes", aux notes florales et fruitées, qui doivent être conservés au réfrigérateur avant d'être consommés. Cette distinction entre "chaud" et "froid" rejoint donc celle entre "sakés traditionnels" et "sakés modernes" privilégiée par les cavistes, en fonction du profil aromatique recherché par le tôji (maître brasseur).

Dans quel verre doit-on le boire ?

Depuis l'apparition des sakés modernes à boire froids dans les années 1990, les verres à vin type bordeaux ou bourgogne (avec une base large) sont particulièrement appréciés, même au Japon. Ils permettent de mieux apprécier la robe, le nez et la complexité aromatique de ces nectars aux profils floraux ou fruités. Les grandes marques de verrerie vinicole ont désormais leur propre modèle adapté, comme le verre Synergie saké en forme de tulipe de la marque Lehmann.

En revanche, les sakés chauds se dégustent dans de petits récipients traditionnels en céramique, en porcelaine, en bois ou en métal. On distingue notamment les o-choko, de petites coupes de 2 à 4 centimètres de hauteur, et les sakazukis, plus larges et évasés. Les premiers sont plutôt adaptés aux sakés ayant des arômes céréaliers, les seconds à ceux qui privilégient la minéralité. Bien que moins idéaux, de petits verres à liqueur peuvent également faire l'affaire...

Peut-on accorder le saké avec autre chose que des poissons crus ?

La cuisine japonaise, notamment les sushis et les sashimis, est idéale pour apprécier pleinement les arômes du saké. Les fruits de mer, en particulier les huîtres, sont également de bonnes options. Cependant, de nombreux sakés s'accordent très bien avec des poissons cuits, fumés, ainsi qu'avec des plats végétariens ou des champignons.

Selon le style de saké et la température de service, il est également possible d'imaginer des accords avec des viandes blanches rôties ou en sauce, de la charcuterie, des fromages à pâte persillée ou pressée cuite, ainsi que des desserts. En général, les possibilités d'accords sont plus nombreuses qu'avec le vin. Là où ce dernier échoue à s'harmoniser convenablement, le saké excelle. L'exemple le plus marquant étant l'œuf, avec lequel il se marie à merveille.

Est-ce que le saké se bonifie avec l'âge, comme le bon vin ?

Certains sakés peuvent effectivement gagner en qualité avec le temps, mais il est généralement conseillé de les boire dans l'année de leur production. "Il est possible de faire vieillir ceux qui ont un peu plus d'acidité et d'amertume, sinon ils deviendraient plats", précise Adrienne Saulnier-Blache. Certaines variétés de riz s'y prêtent davantage, comme le tamasakae, cultivé dans la préfecture de Shiga près de Kyoto. Il faut également que le saké soit brassé selon la méthode traditionnelle yamahai ou kimoto, c'est-à-dire sans ajout de levures ni de ferments lactiques.

Les sakés à maturation longue, appelés koshu, ont été conservés au moins trois ans en cuve ou en bouteille. Ces nectars voient leur robe passer du blanc traditionnel au jaune paille, puis à l'ambré. Bien qu'ils soient très rares au Japon, ils gagnent en popularité sous l'influence de la culture du vin. Quelques cuvées vieillies de trois à huit ans sont déjà disponibles en France. Il faudra attendre 2022 pour déguster des sakés encore plus anciens avec la marque Inicié de la maison Shimazaki Shuzô. Notamment les millésimes phares de 2003 et 1991, aux incroyables notes de miel, de pain toasté et de fruits secs.

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