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Bac de philo 2022 : Analyse du texte de Cournot

CEO Hạnh David
Salma discute de l’épreuve de philosophie du baccalauréat qu’elle vient de terminer avec ses copines, brouillons à l’appui, devant le lycée Duruy à Paris, le 15 juin 2022. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »...

Salma discute de l’épreuve de philosophie du baccalauréat Salma discute de l’épreuve de philosophie du baccalauréat qu’elle vient de terminer avec ses copines, brouillons à l’appui, devant le lycée Duruy à Paris, le 15 juin 2022. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Ce mercredi 15 juin, les élèves de terminale générale passent l’épreuve de philosophie du baccalauréat. Dans le cadre de cette épreuve, il faut analyser et commenter un texte philosophique. Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur l'explication du texte d'Antoine-Augustin Cournot, extrait de son ouvrage "Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique" publié en 1851.

Enjeux du texte

Dans cet extrait, Cournot se questionne sur la nature de la psychologie en tant que science. Peut-elle prétendre à la rigueur scientifique des disciplines expérimentales comme la physique et la biologie ? L'auteur soutient que la psychologie, qui étudie l'esprit, ne peut reposer sur des observations scientifiques valides, et que le philosophe ne peut rivaliser en termes de rigueur avec l'astronome, le physicien ou le biologiste.

Cournot expose les critères nécessaires pour qualifier une observation de scientifique, puis il explique pourquoi l'observation psychologique ne satisfait pas à ces critères, ce qui remet en question sa prétention à être une science. Ainsi, nous pouvons nous demander si une véritable science de l'esprit est possible, si elle suit une méthode similaire aux sciences de la matière ou repose sur des fondements spécifiques. La psychologie telle qu'elle s'est développée depuis le milieu du XIXe siècle suit-elle la démarche décrite par Cournot ? Les objections soulevées par l'auteur sont-elles discutables ?

Les conditions requises pour qu'une observation soit scientifique

Cournot cite les conditions essentielles pour qu'une observation soit qualifiée de scientifique :

  • Elle doit être reproductible.
  • Les conditions de l'observation doivent être strictement définies, sans laisser place au hasard. On parle aujourd'hui de protocole expérimental.
  • Les résultats doivent être identiques lorsqu'ils sont reproduits. La science nécessite l'identité, la répétition et la constance.
  • Cela n'exclut pas une marge d'erreur inhérente à l'expérience elle-même. Il y a toujours une part d'incertitude dans toute expérience menée dans des conditions empiriques.
  • Les résultats doivent être indépendants de l'observateur, de ses caractéristiques et de sa constitution. Ils ne peuvent être influencés par la subjectivité de l'observateur. Une observation scientifique est objective lorsque la subjectivité de l'observateur a le moins d'influence possible (bien qu'il puisse y avoir une marge d'erreur, à moins que le sujet ne puisse observer correctement).

Ces conditions rigoureuses sont à la base de notre confiance dans l'expérimentation scientifique, dans les connaissances objectives construites par la physique et la biologie.

Cependant, selon Cournot, ces conditions ne sont pas réunies dans la psychologie scientifique, c'est-à-dire dans l'étude de l'esprit qui prétendait, au milieu du XIXe siècle, acquérir le statut de science.

Pourquoi la psychologie ne peut prétendre à une observation scientifique ?

L'auteur avance une raison fondamentale sur laquelle sa thèse repose : l'observation en psychologie est interne. Il n'y a pas de distinction entre l'observateur et l'observé : "Le rôle d'observateur et celui de sujet d'observation se confondent." Le sujet étudié et l'objet d'étude ne font qu'un. Cournot affirme que l'observation en psychologie ne peut être qu'une introspection, le psychologue se prend lui-même comme objet d'étude, analysant les phénomènes psychiques en se tournant vers son propre esprit.

D'autre part, les observations ne permettent pas de déterminer une stabilité. Les phénomènes psychiques sont pris dans la durée, l'esprit est en constante évolution, les phénomènes sont fugaces et en perpétuelle modification. Ils n'offrent aucune identité, unité ou universalité car les individus sont différents, spécifiques, sans uniformité.

La démarche en psychologie n'est pas communicable, elle ne possède pas le caractère pédagogique de la science. L'expérience introspective ne peut être universalisée. Il est intéressant de noter que Cournot parle ici du philosophe, à une époque où les recherches en psychologie étaient encore confondues avec les recherches philosophiques, avant que la psychologie ne devienne une discipline autonome.

L'auteur insiste sur l'incomparabilité, en termes de pédagogie et de communicabilité, entre l'approche subjective du philosophe et les efforts de partage, de mise en commun et d'enseignement de l'approche du physicien ou du biologiste. Or, selon Cournot, cette communicabilité est ce qui fonde notre confiance en la science et nous permet de reconnaître la vérité d'une observation, sa capacité à être universalisée.

Conclusion et perspectives

Pour Cournot, au milieu du XIXe siècle, la psychologie ne peut légitimement prétendre au statut de science en raison de l'absence de rigueur dans son approche expérimentale. Sa thèse repose sur l'idée que l'observation en psychologie ne peut être qu'une observation interne, une introspection. Cependant, après Cournot, la psychologie s'est développée en s'éloignant de l'introspection, en utilisant par exemple des outils mathématiques et en construisant des observations en laboratoire pour gagner en objectivité et construire une réalité modélisée : l'artefact humain.

La psychologie est devenue une discipline à part entière, mais les débats autour de sa scientificité perdurent. Les questions soulevées par Cournot nous invitent à réfléchir à la nature de la psychologie en tant que science et à son évolution depuis le XIXe siècle.

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