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Séisme au Maroc : la proposition d'aide de l'Algérie reste sans réponse

CEO Hạnh David
Des habitants d’Imi N’Tala, au Maroc, transportent le corps d’une victime du séisme, le 10 septembre 2023. FADEL SENNA / AFP L'annonce de l'Algérie, samedi 9 septembre, concernant l'ouverture de son espace aérien, fermé depuis...

Des habitants d’Imi N’Tala, au Maroc, transportent le corps d’une victime du séisme, le 10 septembre 2023. Des habitants d’Imi N’Tala, au Maroc, transportent le corps d’une victime du séisme, le 10 septembre 2023. FADEL SENNA / AFP

L'annonce de l'Algérie, samedi 9 septembre, concernant l'ouverture de son espace aérien, fermé depuis septembre 2021, ainsi que sa disponibilité à fournir des aides humanitaires et à mobiliser tous les moyens matériels et humains en solidarité avec le peuple marocain en cas de demande du royaume du Maroc, a été accueillie avec soulagement par l'opinion algérienne. Malgré les tensions entre les deux pays, de nombreux internautes se sont précipités sur les réseaux sociaux, dans les heures qui ont suivi le terrible séisme d'Al Haouz, pour rappeler que le soutien aux frères marocains était un impératif moral.

"Il y a urgence, il y a un devoir moral auquel notre pays ne peut se soustraire : manifester clairement sa solidarité avec le Maroc et envoyer une aide humanitaire dans les plus brefs délais. Aucun conflit politique ne doit faire taire notre humanité", a posté sur X (ex-Twitter) Sid Ahmed Semiane, auteur, réalisateur et photographe.

Suite à la présidence, le ministère algérien des affaires étrangères a présenté ses sincères condoléances aux familles des victimes et au peuple marocain, les assurant de sa profonde compassion. De plus, il a exprimé son souhait de prompt rétablissement aux blessés. Le porte-parole du ministère a indiqué que l'Algérie était prête à dépêcher en urgence 80 secouristes de la protection civile, comprenant une équipe cynophile spécialisée dans la recherche et l'identification des personnes sous les décombres, une équipe de sauvetage et de recherche, une équipe médicale, ainsi qu'une aide humanitaire de premier secours, notamment des tentes, des lits de camp et des couvertures.

L'amorce d'une désescalade ?

Pour le moment, aucune réponse à cette proposition d'aide n'est venue des autorités marocaines. Ces dernières ont fait savoir qu'elles avaient accepté, jusqu'à présent, l'assistance de quatre pays seulement : l'Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Emirats arabes unis. La main tendue d'Alger, survenant dans un contexte tragique, pourrait néanmoins être l'amorce d'une désescalade entre les deux pays. Peu de personnes à Alger se hasardent à le pronostiquer, la tension permanente sur la question du Sahara occidental - une ancienne colonie espagnole - s'étant aggravée avec la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.

Alger, qui soutient les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, a rompu ses relations avec Rabat le 24 août 2021 et fermé le mois suivant son espace aérien aux avions marocains. Ce divorce a été provoqué par la diffusion d'une note distribuée par l'ambassadeur du Maroc à l'ONU, Omar Hilale, lors d'une réunion des non-alignés à New York en juillet 2021, affirmant que "le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l'autodétermination". Ce soutien affiché par Rabat aux autonomistes en Kabylie, région traditionnellement frondeuse, n'était que la réplique du royaume chérifien à l'appui dispensé par Alger au Polisario. Mais elle a précipité le schisme.

Quelques semaines auparavant, les révélations sur une utilisation par le Maroc du logiciel israélien Pegasus pour cibler potentiellement 6 000 numéros algériens avaient également causé un vif émoi. Une colère alimentée le 13 août 2021 par la visite à Rabat du ministre israélien des affaires étrangères, Yaïr Lapid. En présence de son homologue marocain, Nasser Bourita, il avait alors évoqué le "rôle joué par l'Algérie dans la région" et son "rapprochement avec l'Iran". Des propos perçus comme des "menaces à peine voilées" par le ministre algérien des affaires étrangères de l'époque, Ramtane Lamamra.

Le 21 mars dernier, dans un entretien accordé à Al-Jazira, le président Abdelmadjid Tebboune avait conclu que les relations entre l'Algérie et le Maroc avaient "atteint le point de non-retour".

Batailles sans fin sur les réseaux

Si la question du Sahara occidental est assez largement perçue en Algérie comme une cause portée par le régime et n'a pas affecté les liens de proximité entre les Algériens et les Marocains, l'ancrage d'Israël au Maghreb via le Maroc, lui, est très mal vu. Ce rapprochement assumé entre l'Etat hébreu et le royaume chérifien nourrit, côté algérien, un discours officiel sur l'existence d'une menace sérieuse contre le pays.

En parallèle, les réseaux sociaux, dont il est difficile de mesurer l'impact réel au sein des sociétés, sont devenus des lieux d'échanges aigres voire haineux entre Marocains et Algériens. Des batailles sans fin, probablement instrumentalisées, qui se saisissent de n'importe quel sujet pour porter l'attaque contre l'autre. En octobre 2022, le Maroc a ainsi très officiellement protesté auprès d'Adidas après la fabrication d'un maillot pour l'équipe nationale algérienne inspiré de l'art maghrébin et même méditerranéen du zellige.

Ces accusations d'appropriation culturelle se sont multipliées, portant sur le couscous, le caftan, le raï et même le chanteur Khaled... Ceux qui continuent de s'accrocher à l'idée d'un espace maghrébin ouvert voient dans cette revendication d'exclusivité d'un patrimoine commun le révélateur, au-delà des contingences politiques, de la profonde unité des peuples du Maghreb.

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