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Le mot juste : illettré ou analphabète ?

CEO Hạnh David
Lors d'une interview sur Europe 1 en septembre 2014, Emmanuel Macron, le nouveau ministre de l'Économie, a qualifié les ouvrières de l'abattoir de Gad d'"illettrées". Cette remarque a suscité une vive polémique, conduisant finalement le...

Lors d'une interview sur Europe 1 en septembre 2014, Emmanuel Macron, le nouveau ministre de l'Économie, a qualifié les ouvrières de l'abattoir de Gad d'"illettrées". Cette remarque a suscité une vive polémique, conduisant finalement le ministre à présenter ses excuses. Cela nous amène à nous interroger sur la signification des termes "illettré" et "analphabète", souvent confondus.

Des étymologies bien distinctes

Pour bien comprendre le sens de ces mots, il est intéressant de se pencher sur leur étymologie. "Illettré" vient du latin "illiteratus", tandis que "analphabète" a des racines grecques, "analphabêtos".

Lettres

De parfaits synonymes ?

Les origines respectives de "illettré" et "analphabète" nous éclairent sur leur sens. "Analphabète" peut être décomposé en "an-alpha-bête". Le préfixe privatif "a-" ou "an-" indique l'absence, et les deux premières lettres grecques, alpha et bêta, font référence à l'alphabet. Un analphabète ne sait donc ni "alpha" ni "bêta", ni les lettres de base. En d'autres termes, il ne sait ni lire ni écrire.

"Illettré", quant à lui, est composé du préfixe privatif "in-" (qui devient "il-" devant "l") et de "lettré". À l'origine, un "lettré" était une personne cultivée, qui étudiait les lettres, c'est-à-dire les livres. Par conséquent, un illettré ne connaissait pas la littérature et n'était pas cultivé. Avec le temps, le sens s'est affaibli et "illettré" est devenu synonyme d'"analphabète", désignant quelqu'un qui ne sait ni lire ni écrire.

Une nuance à ne pas négliger

Bien que les termes "analphabète" et "illettré" soient presque utilisés de manière interchangeable aujourd'hui, il existe une nuance de sens qui peut faire toute la différence. L'analphabète n'a jamais appris à lire ni à écrire, souvent parce qu'il n'a pas pu aller à l'école. En revanche, l'illettré a été scolarisé mais a des difficultés à lire et à écrire, ou a perdu ces compétences. L'illettrisme se mesure par l'incapacité d'un individu à comprendre un texte de plus de six lignes et à en tirer les informations nécessaires.

Le bon choix

Il est important de faire preuve de prudence lorsque nous utilisons l'un ou l'autre de ces termes, car ils reflètent des réalités sociologiquement différentes qui ne peuvent pas être traitées de la même manière. Ainsi, si le ministre de l'Économie souhaitait qualifier des personnes qui ont été scolarisées mais qui ont des difficultés en lecture ou en écriture, il a utilisé le terme approprié. Le reste relève de la politique, et non de la linguistique.

Sandrine Campese

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